13.11.2016

Chroniques du Nouveau Monde 5

Le Balcon philosophique de l'Altiplano

Pomata, Pérou, dimanche 13 novembre 2016

Promontoire rougeãtre sur le lac Titicaca, ses roseaux jaunis, son indigo insoutenable de luminosité. Cordillère royale en fond d'horizon, la crête en dos de chameau de l´Illimani glissant comme un iceberg sur le roux de l'Altiplano. Noires les capes des hommes, pompons colorés en bouquet sous le bras, noirs les robes tulipe des femmes, les châles plissés, leurs chapeaux ronds posés comme une coqueterie sur le côté de la tête. En rangs bien ordonnés et silencieux sur la Plaza de las Armas devant l'église baroque de brique. Deux drapeaux glissent lentement en haut des mâts et l'hymne national du Pérou nasille avec dignité dans le haut parleur.

La procession se met en branle, pas cadencé. Lointain héritage d'une coutume inca de réunion des conseils de communauté, ces rassemblements de représentants du peuple à l'ombre du drapeau et en présence de la police du coin, scandent la vie dominicale de chaque agglomération péruvienne, de Lima à ce petit village du Sud. Je repense aux blocs géants du temple du soleil de Cuzco sur lequel les Dominicains ont érigé leur fastueux monastère, aux innombrables terrasses du Canyon de Colca, sanctuaire vénéré du condor, que les paysans d'aujourd'hui continuent de travailler, au saint Augustin mulãtre aux yeux de verre de la chapelle d'Urubamba, aux efforts valeureux des chauffeurs du camion qui écrasa notre aile gauche dans un virage pour la redresser, et à tant d'autres rencontres fertiles. Pachamama, la Terre Mère infatigable.

Nous quittons Pomata pour la frontière bolivienne et la folle La Paz. En passant, je salue la justesse de l'inscription tracée en capitales blanches sur les gradins du stade du village, pelouse artificielle jubilatoire sur la rive du lac sacré, en contrebas du village: BALCON FILOSOFICO DE L'ALTIPLANO

Marie