Regards à l’oeuvre

22.03.2021

Regards à l'oeuvre: le Printemps de Sempé

 

 

 

A l'instant où je l'ai aperçue, à la Une de mon quotiden, j'ai su qu'elle allait me redonner le goût d'écrire. Finies les hésitations culpabilisantes, les demi-envies jamais abouties, les excuses de paresse pandémique! La frâcheur de cette aquarelle a tout emporté. Et me voici réinstalllée devant mon ordinateur, prète pour un nouveau Regards à l'oeuvre. 

Regards à l'oeuvre Sempé,  22 mars 2021

Une oeuvre construite comme un travelling de cinéma, en trois paliers rythmés par les horizontales des outils sur le chemin, des escaliers de la véranda et enfin du porche et de la fenêtre de l'invisible maison. Léger glissement rose strié jaune de gauche à droite pour suivre le sentier qui nous ouvre une minuscule clairière aménagée sur le blanc du papier tenu en réserve, source de lumière et point d'aboutissement de notre regard. Presqu'indiscret ce regard, tant l'artiste s'ingénie par ailleurs à nous donner l'impression de surprendre, comme à la lorgnette, une scène qui ne nous est pas destinée. C'est que Madame embrasse le printemps! Bras levés d'accueil triomphant et de joyeuse gratitude, le V de toutes les victoires sur l'ennui, la tristesse, la solitude, l'hiver, que sais-je, le pas de danse sur l'escalier, le visage renversé, offert aux deux trouées blanches flottant dans le ciel rose au-dessus de la canopée jaune, contrepoint astucieux au halo de la clairière. Ce qui permet aussi à l'observateur de s'extraire un instant de la foisonnance..

Car il faut se le frayer ce chemin vers l'intime en jupe pointilliste et blouse rayée, à travers l'exubérante pulsation des points jaunes et verts des feuilles-fleurs, le long des courbes dansantes des ramures et des troncs (ah! ils sont eux aussi ouverts en V), juste un soupçon de fluide architecture pour "tenir" ce paysage vertical vaporisé de brume rose. 

Dans un coin de ma mémoire rôdent quelques oeuvres solaires d'Henri Matisse... 

Mais ce qui m'ébahit le plus n'appartient pas strictement au domaine visuel. Cette oeuvre, elle sent le printemps. Et cela m'émeut. Quel poète ce Sempé !



Vive le printemps et belles journées à vous 

Marie Morand