Une restauratrice d'art taillée détective

Gisèle Carron

S'émerveiller pour mieux comprendre

« En fait, Gisèle, chaque matériau choisi par le peintre pour créer le tableau que tu restaures est pour toi une source d’émerveillement!» Eh oui! ce bon mot d'un élève du cours que je donne sur les techniques picturales définit bien mon credo. Il faut aimer à ce point la palette d’un artiste, s’extasier devant les qualités de son cinabre ou de son lapis lazuli ou encore se laisser surprendre par son ingénieuse alchimie pour pouvoir aborder avec justesse la conservation-restauration d'une œuvre amenée en atelier de restauration.

Cette approche respectueuse de l'oeuvre m'a été enseignée dès 1978 - à la suite d’études d’archéologie et d’histoire de l’art à l’université de Lausanne - auprès de l’atelier CREPHART de Genève, spécialisé dans le domaine de la peinture murale. J’ai ainsi, par le biais de cet atelier, participé à la restauration du magnifique et singulier Portail peint de la cathédrale de Lausanne, entre autres chantiers prestigieux. Parallèlement à mon apprentissage du métier de restauratrice d'art, je suivais des cours de chimie et j’effectuais des stages de perfectionnement à l’étranger pour apprendre la technique de la dorure ou celle de la réalisation de faux-marbre. Je voyageais beaucoup, sillonant l’Europe aux quatre coins, afin d'éduquer inlassablement mon oeil aux petites et grandes merveilles de son patrimoine artistique.

Plus tard c’est auprès de l’Atelier-Saint-Dismas, entre Martigny, Lausanne et Genève que j’ai abordé la restauration des bois polychromés. Puis je terminai par une spécialisation en peinture de chevalet auprès de l’atelier C. Vincent à Clarens. En 1986, forte de ces années de formation, j’ai ouvert mon propre atelier de conservation-restauration en peinture de chevalet à Martigny, un atelier dans lequel je travaille toujours aujourd’hui. Avec l’opportunuité d’exercer aussitôt mon métier pour de grandes institutions, telles que les Musées cantonaux du Valais, où je fais la connaissance de Marie Morand, le Service des monuments historiques du Valais, (oeuvres médiévales de la Basilique de Valère) la Banque cantonale du Valais, les Musée du Léman et Musée historique du Château à Nyon, le Musée Jenisch à Vevey, la Maison du Grand-Saint-Bernard, l’Abbaye de Saint Maurice d’Agaune, le Musée de Bagnes, ainsi que pour de nombreuses paroisses, municipalités et...collectionneurs privés. Une diversité qui m'a permis d'engranger une vaste expérience des techniques et des styles artistiques du Moyen Age à l'époque contemporaine.

Pour répondre aux demandes de mes commanditaires, se sont vite greffées à la conservation-restauration proprement dite des activités de conservation préventive comme des inventaires d’état de conservation d’une collection ou encore des programmes de manipulation ou de stockages des œuvres. Enfin, depuis 2014, j'organise chaque année à Saillon, avec le peintre et médiatrice culturelle Annick Vermot, des Cours publics de technique picturale.

Gérer un atelier de restauration d’œuvres d’art peut ressembler par moment à l’activité d’un grand atelier de peintre d’autrefois, où se croisent, selon l’objet en traitement, des spécialistes du bois, du papier, du textile ou du métal ainsi que des architectes, des conservateurs de musées et de monuments historiques, des historiens de l’art, des scientifiques. Tout un monde avisé collaborant à la pérennité d’une œuvre d’art. Ces partages ont à la fois étoffé et affiné mes compétences au point qu’aujourd’hui je suis régulièrement consultée par les collectionneurs pour l’attribution d’une œuvre, par les musées avant l’acquisition d’une pièce, et par les artistes friands de recettes anciennes.

Année après année, des artistes comme Pierre Maggenberg, le maître de Guillaume de Rarogne, Hans Bock, Pedro de Moya, Domenico Rabiato, Nicolas Poussin, Armand Guillaumin, Marie Laurencin, François Bocion, Marguerite Burnat-Provins, Ernest Biéler, Edouard Vallet, Augusto Giacometti, Oskar Kokoschka, Alfred Manessier, Aloïse Corbaz et tant d’autres plus ou moins célèbres, m’ont livré au travers d’observations, d’analyses en laboratoire, d’essais de faisabilité et de travaux de conservation-restauration, l’essentiel de leur technique picturale et, je l’espère, quelques bribes de leur génie créateur. Et j'aime à transmettre à mon tour, lors de conférences, de manifestations ou de publications, les secrets de création de chacun d’entre eux. Car ils suscitent toujours une vive attention du public, tant il est captivant d’approcher « ce qui est invisible pour les yeux ».



Dans la presse

01.11.2023

Gisèle Carron explique son métier dans le supplément Culture du Nouvelliste

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